Rencontre après tant de lunes (Grêlou)

Fleur des Tropiques regardait, depuis sa tanière, le soleil qui se levait. Il se trouvait que sa tanière était orientée de façon qu'elle puisse voir le soleil levant. Le coucher de soleil était caché par la paroi de roche de la tanière. Il était assez tôt, car en cette saison des Feuilles Nouvelles, le soleil se levait plus tôt et tôt et se couchait plus tard : les journées étaient donc plus longues. Il faisait un peu frais – l'heure de la rosée matinale – mais dans quelques heures, il ferait un peu plus chaud, malgré que les pluies pouvaient encore arriver n'importe quand à cette saison.

Fleur des Tropiques avait le sommeil plutôt léger et dormait assez peu – encore plus en ce moment où les nuits étaient si courtes – et regardait toujours le soleil se lever nostalgique. Dès qu'elle s'était réveillée, elle était restée quelques minutes dans sa litière puis elle était partie vérifier les remèdes – comme d'habitude. En cette saison, la question d'avoir assez de remèdes ne se posaient évidemment plus. Il y en avait partout. Et donc, il y en avait également partout devant le nez de la guérisseuse. Malheureusement, cela voulait dire qu'il fallait plus de temps à trier les herbes.

C'est ce que la jeune guérisseuse commença à faire. Les petits vents étaient fréquents et réussissaient à remettre à zéro le triage des plantes. Fleur des Tropiques avait décidé de mettre des cailloux au dessus des plantes, mais pour celles comme la Racine de Glouteron, ce n'était pas forcement pratique. Donc tous les matins – Fleur des Tropiques utilisait cette période car à peine sortie du sommeil, elle n'avait pas trop envie de faire des choses trop fatigantes, et triait. Fleur des Tropiques avait de la patience et était capable de trier des remèdes pendant plusieurs heures.

Et cela aurait pu également durer plusieurs heures, jusqu'à ce que ses yeux ambrés remarquèrent qu'il manquait un remède. Des feuilles de souci. Fleur des Tropiques trouvait, qu'en cette saison, les remèdes pour les maladies ne servait que rarement car tout le monde mangeait correctement, à sa faim. Par contre, pour tout ce qui était blessures et compagnie était utilisé en permanence, sur toute l'année. Surtout qu'avec un chat ambitieux comme Étoile de l'Acier en poste de chef et le clan Originel voulant le retour des quatre clans, les clans n'étaient pas à l'abri d'une quelconque guerre.

Donc il lui manquait des feuilles de soucis. Elle assembla rapidement les remèdes et passa à la seconde étape. Il faut pas croire les rumeurs qui disent que les guérisseurs passent tout leur temps dans le camp : ils passent autant de temps que les guerriers dehors car les remèdes ne poussent pas toujours à trois pas du camp. Et souvent, ça poussait dans des endroits pas forcement pratique. C'est une guérisseuse qui vous le dit. Elle se leva donc et sortit de la tanière. Le soleil s'était à présent levé et avait chassé les couleurs roses et oranges de son réveil, laissant un bleu clair avec des nuages.

Il y avait déjà quelques chats de levés, et la première patrouille était déjà partie. Fleur des Tropiques traversa le camp assez rapidement et sortit sur le territoire, qui était assez grand depuis les alliances. Cela lui avait permis de découvrir de nouveaux remèdes et des coins où un remède plutôt rare poussait en quantité. La chatte noire réfléchit quelques instants. Les feuilles de Soucis ne poussaient pas sur le territoire de l'Acier et le plus proche endroit était dans les Terres Libres. Fleur des Tropiques ne pouvait pas donner un endroit précis, mais dans sa tête, une sorte de plan se formait déjà.

Fleur des Tropiques n'aimait pas trop aller aux Terres Libres : elle se sentait plus en sécurité sur son territoire. Sauf que les feuilles de souci ne suivaient pas cette règle. Alors, elle devait y aller. Elle commença à marcher en écoutant les bruits autour d'elle. Il y en avait très peu en ce début de matinée. Il y avait surtout le vent. Le temps passa assez vite, et la pinède dans laquelle évoluait Fleur des Tropiques commençait à changer d'aspect. Elle aperçut au loin la vielle ferme. Il y avait un coin de feuilles de soucis.

Le coin spécial remède n'était pas contre la ferme elle-même mais derrière un puits donc les fuites d'eau avaient été propices pour le souci. Elle se tourna en sa direction. Une fois arrivée, elle regarda les remèdes et s'apprêta à les arracher lorsqu'elle entendit un bruit derrière elle. Elle se tourna et lança :

« Fourrure de Grêle ! »

Spoiler:

« Je vais chasser. »

Sans un mot de plus, Fourrure de Grêle s’élança dans la lande. Après une mauvaise saison qui avait été rude, la saison des feuilles nouvelles était revenu. Les arbres nu laissaient place à une multitude de feuilles, le froid à la chaleur et l'herbe tendre et verte remplaçait la neige. Les beaux jours commençaient enfin. Cette pensée lui permettait de songer à autre chose que la guerre. Mais ça ne durait que peu de temps.

Lorsqu'il était au camp et qu'il croisait les chats du clan de l'Orage, il ne pouvait s'empêcher de penser que lui venait jadis du clan du Tonnerre, qu'il s'était quereller contre elle à propos d'une histoire de frontière ou qu'eux auraient été des traîtres à cause de leur amour. C'était presque anormal pour lui de voir autant d'écureuil que de lapins sur le tas du gibier. Et surtout, ce qui était le plus étrange, c'était les frontières. Il y avait plus de marquage à faire, à surveiller. Il devait chasser dans la forêt autant que dans la lande, même s'il évitait autant que possible la première. Il y était mal à l'aise, comme si les arbres, les branches et les buissons étaient prêt à se refermer sur lui. Aujourd'hui il faisait parti du clan de l'Orage, mais son cœur appartenait pour toujours au clan du Vent. Il avait mainte fois songer à rejoindre le clan Originel. Il était un guerrier du clan du Vent. Il y était né et avait toujours pensé qu'il mourrait dans la tanière des anciens, entouré de ses camarades. S'il rejoignait le clan Originel et qu'ils arrivaient à reformer les quatre clans, il pourrait redevenir Fourrure de Grêle, guerrier du clan du Vent. Sauf qu'il s'était rendu compte que le seul moyen de faire revenir les quatre clans était la guerre. Il en avait déjà vécu une et en aucun cas il ne voulait revivre ça. Alors il était resté dans le clan de l'Orage, sans doute le plus pacifique des trois. Le clan de l'Acier était dirigé par un chat vicieux qui avait un goût pour le sang et le clan Originel avait un but dont la seule chance d'être atteint était la violence.

Le guerrier blanc quitta le territoire du clan de l'Orage. Depuis la réunion du clan du Vent et du Tonnerre, il n'était pas allé une seule fois sur les terres libres. L'odeur du marquage – qu'il trouvait étrange, même avec l'habitude – s'atténua. De nouvelles odeur l’assaillirent. Il entrouvrit la gueule. Des fleurs, des bipèdes, des sangliers, des chiens, des chats errants, des souris... Il ferma les paupières, se laissant bercer, avant de reprendre la route.

Fourrure de Grêle la reconnut instantanément ; la ferme aux souris. Lorsqu'il était apprenti, il était venu chasser pendant la mauvaise saison. Si un chat ne savait pas ou trouver de nourriture au milieu du froid et de la neige, il y aurait toujours cette ferme, remplie de souris plus grasse qu'un chat domestique. Il allait y entrer quand il la sentit. Cette odeur qui lui retournait l'estomac. Le clan de l'Acier.

Le guerrier de l'Orage contourna discrètement le bâtiment des bipèdes. Il ne voyait toujours pas le félin rival mais il était bien là. Se faufilant dans les buissons, il se dissimulait au regard de l'autre chat. Peut être que c'était un félin aussi vicieux qu’Étoile d'Acier. Même s'il se débrouillait au combat, il n'en prenait aucun plaisir et aujourd'hui, il n'avait vraiment pas envie de se battre avec qui que ce soit.

Quand il aperçu le félin, il le suivit sur quelques pas. Il ne le reconnut pas à l'instant, mais quand il se retourna, son visage s'illumina :

«Fleur des Tropiques ! »

Il s’élança vers la guérisseuse. Ils s'étaient rencontrés lorsqu'ils étaient encore apprentis, lors d'une Assemblée. Ils étaient resté ensemble – elle, Nuage de Myrtille et lui- pendant que les meneurs faisaient leur annonce mais également quand Coquillage Nacrée fit la sienne. Eh oui. Ils ne s'étaient pas rencontrés pendant n'importe quelle pleine lune; ils avaient fait connaissance à l'Assemblée qui emmena les quatre clans vers leur destruction et la guerre. Ils s'étaient toujours bien entendu, et puisque Fleur des Tropiques était une guérisseuse, Fourrure de Grêle n'avait jamais eu de raison de fixer des limites à leur amitié.

« Qu'est ce que tu fais ici ? Seule, en plus ! Il faut que tu fasse attention, on ne sait jamais sur quel genre de chat on peut tomber par ici... »

Il songeait aux chats domestiques et errants, qui pouvaient être violents, mais surtout aux chats de clans. Principalement es guerriers du clan de l'Originel ; l ne savait pas jusqu’où était prêt ce clan pour arriver à ses fins. Mais faire du tord à une guérisseuse ne devait pas être trop dérangeant, surtout qu'elle venait du clan de l'Acier, le clan le plus méprisant des trois. Tous les chats de la forêt souhaitait voir le cadavre d’Étoile d'Acier enterré au fin fond d'une abysse. On disait qu'il était un tyran qui risquait d'emmener à nouveau les clans dans une guerre.
Entre le clan Originel et celui de l'Acier, le guerrier blanc ne savait pas lequel était le plus dangereux.

Il s'assit sur le sol et miaula, soudain inquiet :

« Et toi, ca va ? Le clan de l'Acier... Ce n'est pas trop dur ? »

Fleur des Tropiques regarda le guerrier blanc, cela faisait assez longtemps qu'elle ne l'avait pas vu. Il fallait dire qu'en ce moment, chaque clan restait chez lui en attendant que les lunes passent. Elle ne s'était pas attendue à le retrouver là, en fait, elle n'aurait du rester quelques minutes ici puis retourner sur son territoire. Mais apparemment, ça n'allait pas être le cas. Elle lui sourit et une vague de nostalgie la transperça : lors de leur première rencontre, les clans étaient encore quatre, et l'annonce de Coquillage Nacré n'avait été pas bien prise au sérieux.

Ça avait été la première assemblée de Fleur des Tropiques, et durant cette nuit de pleine lune, elle s'était fait deux amis en une fois. Nuage de Grêle – devenu Fourrure de Grêle peu de temps après, et Nuage de Myrtille – devenue Myrtille des Bois. À cette époque, comme elle était apprentie-guérisseuse, elle pouvait à chaque fois prononcer la formule magique « Je suis apprentie-guérisseuse, je ne suis pas obligée de me méfier de tout le monde. », et par conséquent, se lier d'amitié avec les deux apprentis du Vent. Depuis, ils s'étaient revus à plusieurs reprises.

Fleur des Tropiques savait que s'était différent maintenant. Avant, à part avec les quatre clans, il avait plusieurs échanges. Maintenant, il en avait beaucoup moins. Fleur des Tropiques n'aimait pas s'attarder au frontière, par exemple. Mais l'amitié qui avait entouré les trois chats n'avait pas disparu, malgré le fait qu'elle n'arrivait pas à mettre la patte sur la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Sûrement aux assemblées, mais même là-bas, on ne tapait pas la discute à tout l monde, surtout étant dans le clan de l'Acier. Si la guérisseuse avait suivi ce clan, c'est qu'elle n'avait pas voulu abandonner sa terre natale -anciennement clan de la Rivière-, ni Menthe Poivrée.

Enfin, Fleur des Tropiques était contente de revoir Fourrure de Grêle, et ça avait l'air réciproque. Là, elle pouvait retrouver des liens avec le passé, avec les quatre clans, avec le clan de la Rivière. Elle l'écouta en souriant intérieurement : c'est pas au clan de l'Acier qu'on lui demanderait de faire attention ! Là-bas, les guérisseurs étaient presque des chats comme les autres, qui n'aidaient pas à nourrir le clan de surplus. Fleur des Tropiques pouvait chasser parfois, mais elle n'était pas … disons très adroite. Le seul truc où elle pouvait y arriver : c'était la pêche. Sauf que le camp de l'Acier n'était pas situé sur les anciennes Terres du clan de la Rivière.

« Je n'étais pas sensée rester très longtemps ici. Et … si être au clan de l'Acier est dur ? Oui. Mais on s'y habitue après tout. Tant qu'il n'y a pas de guerre … dans l'immédiat.»

Si, petite, on lui avait dit qu'elle serait ensuite dans le clan de l'Ombre (faut pas rêver, à part quelque chats du clan de la Rivière en plus, le clan de l'Acier et la copie du clan de l'Ombre), elle aurait sûrement répondu « N'importe quoi, je ne serais jamais dans le clan des méchants ! » Pourtant, elle était à présent dans le clan des ''méchants'', peut-être plus redoutable que le clan de l'Originel, car Étoile de l'Acier était du même niveau qu'Étoile Sauvage, voire pire. Il y aurait sûrement une guerre, mais quand ?

Fourrure de Grêle avait lui rejoint le clan de l'Orage, le plus pacifique des trois, mais à ne pas négliger quand même. Là-bas, cela devait être beaucoup plus calme. Étoile du Guépard était une cheffe juste. Mais tous les clans étaient un peu pris dans la même roue : le clan de l'Acier (ou du moins ses représentants) voulait dominer toute la forêt, le clan Originel voulait redonner les quatre clans et le clan de l'Orage voulait sûrement voir ces menaces disparaître – ou les combattre. Fleur des Tropiques miaula :

« Et toi ? Tout se passe bien pour toi au clan de l'Orage ? »

Fleur des Tropiques en profita pour couper quelques plants de soucis – elle ne devait pas oublier son but premier.

Fourrure de Grêle avait eu part de nombreuses rumeurs - émanant d'espions et d'apprentis bien trop bavard - concernant le clan de l'Acier. Les chats parlaient d'une nouvelle politique, avec de nouvelles règles, ou les mâles et les femelles étaient traités différemment. Des mots tel que sanction, meurtre, assassinat étaient susurrer par des chats craignant qu’Étoile d'Acier ne les entendent. Le guerrier ne savait pas si ces rumeurs étaient véridiques ou si elles provenaient d'imaginations trop poussé. Probablement imaginations. Un clan où tous les chats n'étaient pas traité d'égal à égal et où on pouvait tuer pour punir était sorti d'un terrible cauchemar.

« Je n'étais pas sensée rester très longtemps ici. Et … si être au clan de l'Acier est dur ? Oui. Mais on s'y habitue après tout. Tant qu'il n'y a pas de guerre … dans l'immédiat.»

Le chat blanc observa un court instant la chatte. Il ne savait pas vraiment ce que 'dur' signifiait. Si ça désignait la réunion de deux clans en un seul, si c'était la façon dont Étoile d'Acier dirigeait ou si c'était autre chose. Il songea à lui poser la question mais s'abstint. Même s'ils étaient amis, ils ne pouvaient pas parler de tout, plus particulièrement de leurs clans. Si la guérisseuse avait envie ou besoin de lui parler, il serait là pour l'écouter et garderait tout pour lui. Mais il n'avait pas à lui poser de questions, surtout sur un sujet si délicat.

Quand Fleur des Tropiques prononça le mot "guerre", le guerrier frissonna. Juste après la fin des combats, lorsqu'il était dans la tanière du guérisseur, Fourrure de Grêle était complètement déboussolé. Chaque nuit, il hurlait de terreur à cause de ses cauchemars, tel un chaton apeuré. Ses nuits étaient agitées et la journée, il se recroquevillait sur lui-même à cause de flash où il revoyait le sang et les cadavres sur le champ de bataille. Il avait eu besoin de beaucoup de compagnie et de paroles pour qu'il soit ramené à la réalité et qu'il oublie ses douloureux songes. Pendant toute une lune, il était un grand chaton effrayé à qui on avait accordé bien trop de temps et de remèdes. Il avait honte de tout ce temps perdu pour lui et dès son rétablissement, il avait tout fait pour rattraper son travail, enchaînant avec volonté tout ce qu'il y avait à faire.
Désormais, le mot 'guerre' ne le faisait que frissonner. Il ne faisait plus de cauchemar la nuit – ou rarement- et avait retrouvé ses fonctions de guerrier.

« Tu pense qu'il y en aura une autre ? Lui demanda t-il, curieux de savoir ce qu'elle en pensait. »
Lui en était certain. Une nouvelle guerre approchait, mais il n'avait pas la moindre idée du moment où elle se déclencherait. Ou même qui la déclencherait, et pourquoi. Le clan Originel pouvait dès à présent la déclencher afin d'obtenir son but, le retour des quatre clans. Le clan de l'Acier n'avait pas de raison particulière, mis à part le fait que c'était plaisant aux yeux de son meneur. Quant au clan de l'Orage, il n'en avait – pour le moment – aucune, du moins à sa connaissance.

« Et toi ? Tout se passe bien pour toi au clan de l'Orage ? »

Il hésita un instant sur sa réponse. Il y avait une multitude de réponses possible. Un simple « oui » pouvait suffire mais ce n'est pas à une si vieille amie que l'on répondait cela. Il avait beaucoup plus à dire qu'un simple mot et puisqu'il ne pourrait pas parler à son amie avant un moment, autant profiter de cette journée pour lui faire la causette.

« Etoile du Guépard est plus douce avec nous qu'Etoile d'Acier ne doit l'être avec vous alors, je ne m'en plains pas. Il esquissa un sourire, avant de continuer. Je t'avoue que je ne me suis pas totalement habitué à la réunion des deux clans. Je crois que ça ne sera jamais le cas. Je crois que je remarquerais toujours ceux qui viennent du clan du Tonnerre ou les chatons qui jadis, auraient été les enfants de traîtres. Même si je les apprécie et les respecte comme membre de mon clan. Mais...je ne sais pas. *pause* Je crois, qu'au fond, je reste un guerrier du clan du Vent.»

Il avait souvent songer à rejoindre le clan Originel. Il y avait renoncé pour plusieurs raisons. D'une part à cause de la façon d'obtenir le retour des quatre clans et d'une autre, la loyauté. Le clan Originel était, comme son nom l'indiquait, un clan. Les guerriers travaillaient, mangeaient, dormaient, chassaient, vivaient et se battaient côte à côte afin qu'il y ai le retour des quatre clans. Sauf que s'ils atteignaient leur but, les chats devraient se séparer, après toutes leurs épreuves. S'il restait pour toujours un chat du Vent, Fourrure de Grêle était loyal envers son nouveau clan, celui de l'Orage, et il savait qu'il serait incapable de se battre contre ses anciens camarades.

Il miaula, plus à l'intention de lui-même que de Fleur des Tropiques, les yeux perdu dans les arbres :

« Pendant plusieurs lunes, je me suis posé cette question : Vais-je rejoindre le clan Originel ? J'y ai beaucoup réfléchi, le jour, la nuit, pendant que je chassais, que je dormais... D'abord, je me suis dit que ce clan allait déclencher une nouvelle guerre. Puis, ce qui m'a vraiment convaincu de rester au clan de l'Orage, c'est la loyauté. Tous ces chats, qui se sont réunis pour le retour des quatre clans. S'ils y arrivent, ils devront se séparer. Je ne pourrais pas. Je resterais toujours un guerrier du clan du Vent mais, maintenant, je fais partie du clan de l'Orage. Je ne pourrais pas me battre contre ceux avec qui j'ai vécu et combattu autant de lunes. »

Il songea que c'était différent pour une guérisseuse. Les guérisseurs devaient rester en dehors des conflits entre clans. Ils devaient soigner, et non se battre. C'était peut être plus facile. Ou peut être qu'il était à côté de la plaque.

Fleur des Tropiques se demandait si elle aurait pu choisir le clan de l'Orage. C'était sûrement le clan qui ressemblait le plus aux quatre anciens clans par l'organisation. Le clan Originel était un groupe de chats, venant des quatre coins de la forêt, qui ne vivaient pas forcement en totale harmonie avec les autres. Le clan de l'Acier … Elle en avait déjà assez pensé. C'était pas le meilleur truc, mais elle n'avait pas le choix non plus. Elle avait été du clan de la Rivière, c'était Originel ou  Acier. Et elle avait accepté cette décision.

Cela faisait bizarre de se dire qu'elle était dans le clan le plus détesté de tous : détesté par le clan Originel car c'était une alliance entre deux clans et que Étoile d'Acier était … disons particulier et détesté par le clan de l'Orage qui voulait voir le clan de l'Acier détruit. Il y avait des jours comme ça … des jours où on se disait qu'il ne fallait même pas se lever. Elle soupira. C'était beaucoup plus facile lorsqu'elle était encore qu'une apprentie du clan de la Rivière, ayant comme seul souci de se lever tôt le lendemain.

La guerre. La guerre. Elle regarda Fourrure de Grêle qui venait de lui demander son avis. Qu'est-ce que c'était vraiment une guerre ? Pour elle, techniquement, c'est lorsqu'elle voit une multitude de blessés devant sa tanière qui attendent. C'est des fractures ou autre chose de ce genre. C'est des plantes contre les blessures qu'elle trimballe partout en les appliquant sur les blessés. Fleur des Tropiques n'a jamais assisté à une guerre. Lorsqu'il y a eu la grande Bataille, Menthe Poivrée y avait été pour récupérer les graves blessés et elle était resté dans la tanière pour soigner ceux que Menthe Poivrée jugeait ''cas grave''.

Elle n'a donc jamais vécu de guerre en tant qu'apprentie-guérisseuse ou guérisseuse secondaire, elle. Elle ne s'est donc jamais exposé au danger. Fleur des Tropiques avait regretté de ne pas pouvoir aider ses camarades en plein cœur des combats. En quelque sorte, c'était presque pire à ne rester à rien faire et écouter les bruits sanglants des combats. Puis elle avait perdu des proches. Elle ne connaissait pas la guerre, mais elle connaissait ses conséquences. Elle espérait qu'il n'y ait plus jamais de guerre. Sauf qu'il y en aurait une. Chaque dirigeant de clan avait un mobile assez sérieux pour la l'enclencher.

Il fallait juste, juste qu'il se passe un truc. Fleur des Tropiques sentait que les trois clans étaient ennemis. Par exemple, si elle n'avait jamais rencontré Fourrure de Grêle jusqu'à maintenant et qu'elle le rencontrerait pour la première fois en ce temps des trois clans, leur relation serait très différente, voir hostile, qu'elle soit guérisseuse ou pas. Elle sentait qu'il manquait que un des trois clans fasse un mauvais geste – un chat qui traverse accidentellement une frontière, … - et ça serait le mouvement déclencheur d'une nouvelle guerre, comme celle de la Grande Bataille, tout aussi sanglante.

Elle s'apprêta à répondre mais Fourrure de Frêle lança :

« Étoile du Guépard est plus douce avec nous que Étoile d'Acier ne doit l'être avec vous alors, je ne m'en plains pas. Je t'avoue que je ne me suis pas totalement habitué à la réunion des deux clans. Je crois que ça ne sera jamais le cas. Je crois que je remarquerais toujours ceux qui viennent du clan du Tonnerre ou les chatons qui jadis, auraient été les enfants de traîtres. Même si je les apprécie et les respecte comme membre de mon clan. Mais...je ne sais pas. *pause* Je crois, qu'au fond, je reste un guerrier du clan du Vent.»

Fleur des Tropiques comprenait le guerrier blanc. Elle ne se sentait pas du tout membre du clan de l'Acier. Elle se sentait … disons comme une étrangère qui s'était perdue en chemin. Il lui arrivait d'hésiter quelques secondes lorsqu'on lui demandait dans quel clan elle était. Dans quelques générations, les chatons ne comprendront même pas l'importance des quatre clans d'antan, mais Fleur des Tropiques, elle, n'oublierai jamais son clan natal. Il lui arrivait de se réveiller, et de prier pour que tout soit redevenu normal, que tout soit revenu normal. Pourtant, cela n'était toujours pas arrivé. Fourrure de Grêle miaula :

« Pendant plusieurs lunes, je me suis posé cette question : Vais-je rejoindre le clan Originel ? J'y ai beaucoup réfléchi, le jour, la nuit, pendant que je chassais, que je dormais... D'abord, je me suis dit que ce clan allait déclencher une nouvelle guerre. Puis, ce qui m'a vraiment convaincu de rester au clan de l'Orage, c'est la loyauté. Tous ces chats, qui se sont réunis pour le retour des quatre clans. S'ils y arrivent, ils devront se séparer. Je ne pourrais pas. Je resterais toujours un guerrier du clan du Vent mais, maintenant, je fais partie du clan de l'Orage. Je ne pourrais pas me battre contre ceux avec qui j'ai vécu et combattu autant de lunes. » 

Fleur des Tropiques pouvait facilement comprendre, elle avait eu aussi ce dilemme entre choisir entre deux clans différents. Bon, elle, elle n'avait pas la contrainte de devoir ensuite se battre contre des chats de son clan, mais elle préférait mener une vie ''pas forcement'' facile dans le clan de l'Acier que mener une vie de solitude autour de chat dont elle ne connaissait que le nom. Elle ne pouvait pas abandonner son ancien clan de la Rivière qui était allé pour la plupart au clan de l'Acier. Elle était tout simplement obligée de venir dans ce clan. Elle miaula :

« Il y aura sûrement une guerre, tu le sais aussi bien que moi. Mais à savoir quand … je l'ignore. J'espère juste que ça arrive le plus tard possible. Et ... je suis contente que ça se passe assez bien pour toi. »

Elle réfléchit quelques secondes et continua :

« Il y aura sûrement une guerre, tu le sais aussi bien que moi. Mais à savoir quand … je l'ignore. J'espère juste que ça arrive le plus tard possible. Et … je suis contente que ça se passe assez bien pour toi. »

Elle réfléchit quelques secondes et continua :

« Moi aussi, j'aurais pu choisir le clan Originel. Mais je ne pouvais pas quitter mes amis, mon ancien clan qui ont, pour la plupart, rejoint le clan de l'Acier.. Après, moi je ne peux pas combattre de anciens camarades de clan, c'est peut-être moins dur de faire un choix. Mais entre le clan de l'Acier et le clan Originel, je ne peux pas parler vraiment d'un choix. Ces deux clans … ils n'ont rien de bénéfique à m'apporter. Au début, ça a vraiment été dur. Soigner des chats qui avaient auparavant mener des batailles contre le clan de la Rivière ... Enfin, maintenant, c'est fait. Je resterai dans le clan de l'Acier. »

Fleur des Tropiques jeta un coup d’œil aux remèdes qu'elle était sensée ramasser et lança :

« Que venais-tu faire par ici ? »

Fourrure de Grêle s'attendait à recevoir un regard, ne serait-ce qu'un peu, choqué de la part de la guérisseuse. Mais non, elle ne lui en adressa pas. Au contraire, elle semblait être d'accord ou du moins comprendre le guerrier. Lui qui croyait être le seul à ressentir un certain mal-être vis à vis des nouveaux clans se rendit compte qu'ils étaient plusieurs dans ce cas là.

« Il y aura sûrement une guerre, tu le sais aussi bien que moi. Mais à savoir quand … je l'ignore. J'espère juste que ça arrive le plus tard possible. Et ... je suis contente que ça se passe assez bien pour toi. »

Le chat blanc hocha la tête en silence. La guerre approchait. D'un côté, il espérait avoir rejoint le clan des étoiles quand elle arriverait, mais d'un autre, il souhaitait protéger et aider son clan et, malgré sa grande admiration pour ses aïeux, il savait qu'il ne pouvait le faire qu'en utilisant ses griffes et ses crocs et non en étant dans les cieux à contempler le monde d'en haut. La meilleure issue à espérer était qu'il n'y ai pas de guerre. C'était aussi une issue impossible.

Quand il réfléchissait à la guerre, il remontait toujours le temps, jusqu'à son origine. Était-ce quand Etoile Sauvage trahit son clan et donnât naissance à Etoile des Larmes et Menthe Poivrée ou quand Coquillage Nacrée révéla le terrible secret à l'Assemblée ? Finalement, il jugea que les problèmes avaient commencé à cause de la révélation de la guerrière. Après tout, la meneuse de l'Ombre n'avait faite qu'une erreur. Coquillage Nacrée, elle, savait très bien ce qu'elle faisait.
Les yeux dans la vague, il miaula :

« Dire que tout cela ne serait pas arrivé si Coquillage Nacrée n'avait pas révéler le secret d'Etoile Sauvage à l'Assemblée... Parfois,
il vaut mieux ne pas dire la vérité. »

Il contempla un instant un merle qui s'envolait, se rappelant au passage qu'il devait chasser avant de rentrer au camp.

« Moi aussi, j'aurais pu choisir le clan Originel. Mais je ne pouvais pas quitter mes amis, mon ancien clan qui ont, pour la plupart, rejoint le clan de l'Acier.. Après, moi je ne peux pas combattre de anciens camarades de clan, c'est peut-être moins dur de faire un choix. Mais entre le clan de l'Acier et le clan Originel, je ne peux pas parler vraiment d'un choix. Ces deux clans … ils n'ont rien de bénéfique à m'apporter. Au début, ça a vraiment été dur. Soigner des chats qui avaient auparavant mener des batailles contre le clan de la Rivière ... Enfin, maintenant, c'est fait. Je resterai dans le clan de l'Acier. »

Fleur des Tropiques avait aussi eu un choix difficile à faire. Pour certains, le choix avait été simple. Ils n'avaient pas hésiter ou même réfléchi, la réponse étant comme une évidence. Partir ou rester. Ces chats là, ils savaient ce qu'ils voulaient retrouver, ou conserver. Pour d'autres, le choix avait été plus compliqué. D'un côté, il y avait l'endroit et les chats qu'ils connaissaient et de l'autre, un lieu inconnu et des félins qui, autrefois, étaient leurs rivaux. Ils avaient vu des amis partir et d'autres, rester. Peu importe leur choix, leurs amis deviendraient leurs ennemis et, dans le cas du clan Originel, leurs ennemis leurs amis. Ajouté cela à tout ce qui a fait que ce choix était difficile et vous obtiendrez un choix vraiment (très) difficile.

Fourrure de Grêle miaula, sincère :
« Tu as eu un choix aussi difficile que les autres. Surtout si les clans n'ont rien à t'apporter. Menthe Poivrée est guérisseuse, tu aurais très bien pu la laisser, mais non, tu es resté. Malgré les difficultés, tu ne l'as pas abandonné. Choisir une vie aussi compliqué, c'est vraiment honorable et courageux.»

Il avait une certaine admiration pour la guérisseuse. Elle n'avait pas choisi la facilité et c'était quelque chose que tout le monde n'était pas capable de faire.

« Que venais-tu faire par ici ? »

Le guerrier blanc remarqua qu'elle jetait un œil à des plantes à côté du puits. La guérisseuse était donc venu ramasser des plantes. Il espérait qu'elle et Menthe Poivrée ne manque de rien, sauf si c'était pour guérir Étoile d'Acier ou un des chats du même genre. Dans ce cas là, il serait bien heureux de savoir qu'il n'y avait plus aucun remède à lui donner.

Il répondit :

« Je voulais juste me dégourdir les pattes. Et toi ? Il pointa le museau vers les plantes. Qu'est ce que c'est ? »


[Aucun problème, excuse moi du mien. :/]

« Dire que tout cela ne serait pas arrivé si Coquillage Nacrée n'avait pas révéler le secret d’Étoile Sauvage à l'Assemblée... Parfois, il vaut mieux ne pas dire la vérité. »

Coquillage Nacré … Ce nom était qu'un simple souvenir dans l'esprit de Fleur des Tropiques, tout ça paraissait si lointain.  Pourtant, cette chatte était tristement célèbre, du moins, il y a plusieurs saisons. La guérisseuse se rappelait de cette chatte de son propre clan, maîtrisant des paroles dont elle ne connaissait pas le pouvoir. En quelques phrases, le destin de tous les chats de la forêt changea, car le clan de l'Ombre profita de la faiblesse du clan de la Rivière, occasionnée par Étoile des Larmes, qui était bouleversée. Après le jour de cette alliance, tout défila très vite, et en quelques lunes, il y eut la guerre.

Fleur des Tropiques ne souvenait bien de cette assemblée, sa première à laquelle Étoile des Larmes l'avait présenté devant tout le monde en tant que nouvelle apprentie-guérisseuse du clan de la Rivière. Bref, ça avait été un grand moment pour l'apprentie au pelage noir. Puis, avant que les nouvelles fassent le tour des clans, Coquillage Nacré avait lancé sa grande révélation. Fleur des Tropiques se souvenait de cette proclamation, qui l'avait ébahi, mais au début, ça n'avait pas été plus loin que ça. Elle en aurait même ri. Au début, ce n'avait été qu'une vulgaire parole en l'air. Au début …

Maintenant, Fleur des Tropiques pouvait assisté aux conséquences de ces paroles, impuissante. Trois clans qui se repoussaient tels des aimants. Même avant, les quatre clans étaient plus ouverts aux amitiés. Maintenant, c'était presque de l'isolement, chacun se vouait une haine certaine et terrifiante. On ne pouvait pas changer les paroles de Coquillage Nacrée, on ne pouvait pas changer ces trois clans. C'était comme ça. Pas forcement juste, mais on n'y pouvait rien. Le clan Originel ne pourrait pas y changer quoique se soit. Il fallait accepter cette vie pas forcement heureuse et gratifiante. Pourtant, Fleur des Tropiques rêvait encore de revenir à cette époque, plus facile.

« Il est vrai que si Coquillage Nacré avait retenu sa langue, nous n'en serions peut-être pas comme ça aujourd'hui. Mais je pense que ça serait quand même arrivé … différemment. Comme si ça avait été écrit quelque part, dans le ciel. Qu'il fallait que cette vérité soit déclarée, peut importe le moyen. Tu vois, comme si un guerrier devait attraper une souris. Si il n'y arrive pas en bondissant dessus, il y arrivera peut-être en la coursant, ou un autre guerrier l’interceptera et la souris revient en arrière dans les pattes du premier guerrier. Coquillage Nacré ou pas, ce secret aurait forcement été dévoilé. Ce secret avait un tel pouvoir … Étoile Sauvage s'en aurait forcement un jour servi pour avoir le contrôle de toute la forêt. »

Fleur des Tropiques avait toujours pensé si jamais Étoile des Larmes et Menthes Poivrées n'avaient pas été les enfants d’Étoile Sauvage, qu'est-ce qui aurait pu se passer aujourd'hui ? Elle se serait réveillée dans la tanière de Menthe Poivrée, serait allée chercher du poisson sur la tanière de gibier et aurait vu la patrouille de l'aube s'en aller ? Fleur des Tropiques avait toujours espéré une vie meilleure, un dénouement final plus heureux. Mais elle avait compris qu'il y avait une sorte de rêve balance. Si d'un côté elle aurait pu avoir une vie meilleure, mais :

« Aussi, on espère tous avoir une vie meilleure. Mais on aurait pu avoir une situation encore pire. Il y aurait pu avoir qu'un seul clan, avec les autres détruits, imprégnés de sang. Là, je peux te parler, sans craindre qu'une patrouille de guerrier se jette sur moi. Chaque chat de la forêt a un endroit où vivre, où se nourrir, où dormir. La Grande Bataille aurait pu se finir avec qu'un seul clan vainqueur, avec des dizaines de chats en fuite, obligé de se réfugier chez les Bipèdes, de s'exiler. Mais nous avons trois clans, et même si une guerre approche, elle n'est pas encore là, nous ne somme pas en danger immédiat. Nous pouvons vivre. C'est déjà ça. »

Fleur des Tropiques souffla, un peu essoufflée de son élancée. Tout ce qu'elle voulait dire, c'était qu'il fallait profiter de l'instant présent, et de ne pas trop regretter le passé, sans faire trop une morale pour autant : chacun réagissait comme il le voulait. Enfin, elle essayait vraiment de croire à ses paroles. Dire, c'est plus facile que le faire. Mais l'avoir dit à voix haute l'avait un peu aidé à s'orienter.

« Tu as eu un choix aussi difficile que les autres. Surtout si les clans n'ont rien à t'apporter. Menthe Poivrée est guérisseuse, tu aurais très bien pu la laisser, mais non, tu es resté. Malgré les difficultés, tu ne l'as pas abandonné. Choisir une vie aussi compliqué, c'est vraiment honorable et courageux.»

Fleur des Tropiques aurait répondu qu'il avait eu aussi des choix à faire, pas forcement facile. Chaque chat avait du remettre sa vie, son existence en question lors de la nouvelle répartition des clans. Pour beaucoup de chat, il y avait eu réflexion, rimant aussi avec séparation. Fleur des Tropiques avait vu plusieurs amis quitter le groupe Rivière restant dans l'Acier. Elle ne se sentait pas toujours bien avec les chats du clan de l'Ombre, qui avait commis des milliers d’atrocités dans le clan de la Rivière, au début de cette alliance.

Cela lui faisait bizarre de voir des chatons sang rivière/ombre en se disant qu'ils étaient pur acier. Ces chatons étaient encore innocents dans tout ça, mais si le clan Originel ramenait les quatre clans, où irait ces chatons. Comme à l'époque de la formation des trois clans, ils devraient faire face au même dilemme que Fleur des Tropiques. D'ailleurs, où le clan Originel repartirait ensuite ? Chacun dans son clan ? Car les clans auront forcement changé. Il fallait mieux garder la répartition présente, selon Fleur des Tropiques. Les choses deviendraient trop compliquées ensuite. Ingérables.

« Je voulais juste me dégourdir les pattes. Et toi ? Il pointa le museau vers les plantes. Qu'est ce que c'est ? » 

Fleur des Tropiques regarda les feuilles de souci et Fourrure de Grêle, un peu plus hésitante que les instants présents. Avant, elle aurait tout de suite expliqué ce qu'elle faisait là à son ami, du clan de l'Ombre serait-il. Maintenant, c'était plus compliqué. Chaque clan cherchait les faiblesses de l'autre, afin de les exploiter au maximum. Les espions étaient partout, épiant tout et n'importe quoi. Elle n'allait pas expliquer tout le résumé les feuilles de soucis et leur propriété et pourquoi elle venait en ramasser là. Elle ne le pouvait pas. Ça pourrait rendre le clan de l'Acier plus faible … bien que ce ne soit pas une vie de bonheur là-bas, c'était son clan.

"Des feuilles de Soucis. Contre des blessures."

« Il est vrai que si Coquillage Nacré avait retenu sa langue, nous n'en serions peut-être pas comme ça aujourd'hui. Mais je pense que ça serait quand même arrivé … différemment. Comme si ça avait été écrit quelque part, dans le ciel. Qu'il fallait que cette vérité soit déclarée, peut importe le moyen. Tu vois, comme si un guerrier devait attraper une souris. Si il n'y arrive pas en bondissant dessus, il y arrivera peut-être en la coursant, ou un autre guerrier l’interceptera et la souris revient en arrière dans les pattes du premier guerrier. Coquillage Nacré ou pas, ce secret aurait forcement été dévoilé. Ce secret avait un tel pouvoir … Étoile Sauvage s'en aurait forcement un jour servi pour avoir le contrôle de toute la forêt. »

Fourrure de Grêle se crispa un minuscule instant, trop petit pour que la guérisseuse le remarque. Son idée était complètement différente de celle de la chatte. Il était certain que si Coquillage Nacrée – ou un quelconque chat qui connaissait le secret – n'avait rien dévoilé, ils n'en seraient pas là. Des secrets subsistaient pendant tellement de lunes qu'il n'y avait plus d'être vivant pour en parler. Ce secret aurait dû rester comme tel. Et même si Fleur des Tropiques avait raison, que la vérité aurait dû forcément éclater, si Coquillage Nacrée -ou quelqu'un d'autre- avait attendu plus longtemps, Étoile des Larmes aurait pu avoir la force et la sagesse de résister à sa mère biologique. Sauf que, dans la réalité, la chatte venait à peine de devenir cheffe. Elle n'avait pas encore toutes les qualités qui faisait d'un chat un meneur capable de protéger son clan. Avec plus de temps, elle aurait pu acquérir ses qualités et la meneuse de l'Ombre n'aurait pas eu une telle influence. Peut-être qu'il aurait fallu simplement plus de temps.
Mais le guerrier ne pouvait pas accepter l'idée que la vérité devait éclater. Il ne savait pas si Fleur des Tropiques avait perdu des proches pendant cette guerre, mais lui, oui. Il y était. Il avait vu les chats se vider de leur sang. Seuls, oubliés et terrifiés, tandis que leurs amis continuaient de se battre, ne les voyant pas, ignorant leur agonie. Ils étaient en vie et, l'instant d'après, ils étaient morts. C'était des inconnus, des connaissances, des camarades, des amis... Même son oncle avait perdu la vie. Le chat qui l'avait élevé, entraîné et dirigé avait rejoint le clan des étoiles. Les morts avaient désormais une vie paisible et heureuse dans les cieux, cependant le matou blanc ne pouvait s'empêcher de préférer les voir sur la terre ferme, affrontant les dangers, la guerre et le malheur, plutôt que les savoir loin de tout, loin de lui.

« Aussi, on espère tous avoir une vie meilleure. Mais on aurait pu avoir une situation encore pire. Il y aurait pu avoir qu'un seul clan, avec les autres détruits, imprégnés de sang. Là, je peux te parler, sans craindre qu'une patrouille de guerrier se jette sur moi. Chaque chat de la forêt a un endroit où vivre, où se nourrir, où dormir. La Grande Bataille aurait pu se finir avec qu'un seul clan vainqueur, avec des dizaines de chats en fuite, obligé de se réfugier chez les Bipèdes, de s'exiler. Mais nous avons trois clans, et même si une guerre approche, elle n'est pas encore là, nous ne somme pas en danger immédiat. Nous pouvons vivre. C'est déjà ça. »

Si aucun chat n'avait été obligé de s'exiler après la guerre, beaucoup étaient morts pendant. Le jeune guerrier aurait pu en faire partie. Blessé au flanc et à la gorge, il avait presque perdu la vie et cela était certainement très égoïste et stupide de sa part, mais il n'était pas reconnaissant de ne pas être mort. La plupart considérait qu'il avait eu de la chance. Ce n'était pas son cas. Être vivant était un fardeau, non pas un cadeau. Le cadeau qu'on lui avait fait, c'était de le garder alors qu'il n'était qu'un pauvre être terrifié. Il devait sa vie à son clan. C'était la seule chose qui le tenait debout.

Il orienta ses yeux vers ceux de Fleur des Tropiques. Il lisait beaucoup de sagesse et de maturité dans son regard. Quand ils s'étaient rencontrés la première fois, la chatte noire venait à peine d'être apprentie. Elle avait l'insouciance et l'immaturité que tous avait à cet âge. Elle avait grandie et la comparaison entre Nuage des Tropiques du clan de la Rivière et Fleur des Tropiques du clan de l'Acier était impressionnante.

« Je pense que ce secret n'aurait jamais dû être dévoilé, ou du moins, pas aussi tôt. A l'époque, Etoile des Larmes n'était vraiment pas assez forte pour résister au pouvoir d'Etoile Sauvage. »

Il s'arrêta. S'il continuait à dire tout ce qu'il pensait de la guerre, de ses causes et ses conséquences, il n'en aurait jamais fini et finirait par crier sur son amie alors qu'elle n'avait rien fait de mal. Elle exprimait simplement ses idées qui, de par sa maturité,était les meilleures. Stoppant sa lancée ses propres idées, il continua :

« Je ne suis pas d'accord avec toi, cependant, je suis certain que tu as raison. Tu as l'esprit clair, tu es sage et mûre, au contraire de moi. Même si je ne comprends pas tes pensées, je ne suis pas assez idiot pour ne pas me rendre compte qu'entre toi, une guérisseuse réfléchie et moi, c'est toi qui as raison. *pause * Le clan de l'Acier a de la chance de t'avoir, tu sais. Tu es une bonne guérisseuse.»


La chatte noire jeta un œil sur ses plantes puis sur le guerrier, soudain hésitante. Cela vexa un peu Fourrure de Grêle, mais il comprenait. Elle avait le droit de se méfier de lui, c'était normal. Ils ne s'étaient pas vu depuis un long moment et les relations entre les clans étaient devenues plus complexes. Même les anciens amis ne pouvaient plus discuter sans craindre que l'interlocuteur aille ensuite en parler à son chef. Concernant les nouvelles amitiés, n'en parlont même pas. Le mâle ne voyait même pas comment il était possible de former une amitié avec un chat d'un autre clan désormais. La haine et les tensions étaient trop importantes pour ne serait-ce qu'y songer.

« Des feuilles de Soucis. Contre des blessures. »

En ne donnant pas plus de précisions sur le type de blessure que soignait les feuilles de Soucis, la guérisseuse indiquait au chat qu'elle se méfier et qu'elle n'en dirait pas plus sur ces plantes et leur vertus. De toute facon, le matou aurait oublié le nom et l'utilité de ces feuilles dans quelques instants. Lui et les plantes, ca faisait deux. Il ne comprenait pas comment les guérisseurs arrivaient à retenir toutes ces informations . Les noms, l'utilité, le milieu de pousse, comment les préparer, les appliquer et surtout, sans doute le pire, les reconnaître. Pour lui, une feuille était simplement une feuille. Il n'y avait pas de feuille de Soucis et de feuille de Bourraches, il n'y avait que des feuilles.
Afin de détendre l'atmosphère, il miaula d'un ton joyeux :

« Comment faites-vous pour reconnaître toutes ces plantes ? Leurs noms, à quoi elles servent... Ce n'est pas trop dur ? En tout cas, personnellement, je n'y comprends rien. J'oublie tout à chaque fois. Chasser et se battre, ca, c'est bien plus simple. »

« Je pense que ce secret n'aurait jamais dû être dévoilé, ou du moins, pas aussi tôt. A l'époque, Étoile des Larmes n'était vraiment pas assez forte pour résister au pouvoir d’Étoile Sauvage. »

Étoile des Larmes avait été effectivement très jeune lorsque qu'elle avait accédé au pouvoir du clan de la Rivière, et de toute façon – l'Assemblée où tout avait changé avait été sa première en tant que chef - , elle ne l'était pas restée très longtemps. Elle se souvenait du pelage immaculée et les yeux bleus de la majestueuse chef lorsqu'elle montait sur le promontoire lorsqu'elle faisait des annonces. Ce pelage blanc couleur de neige qui avait très vite était remplacé par une épaisse fourrure sombre, celle d’Étoile Sauvage. Mais bon, imaginons que Fleur des Tropiques apprenait que sa mère venait du clan du Tonnerre, elle serait un peu chamboulée, non ? Sauf que Étoile des Larmes n'avait pas eu de chance : sa mère ne s'était jamais préoccupée d'elle. Puis, il n'y avait pas eu que la cheffe, il y avait eu aussi Menthe Poivrée. Sa sœur. Fleur des Tropiques avait toujours eu l'impression que son mentor lui avait caché quelque chose à propos de ça, mais elle n'était jamais parvenue à deviner ce que c'était. Toujours était-il que Menthe Poivrée semblait tressaillir lorsqu'on lui demandait : « Qu'en penses-tu de tout ça ? ».  Sentant que Fourrure de Grêle allait continuer sr sa lancée, la chatte se tint tranquille, prête à écouter.

« Je ne suis pas d'accord avec toi, cependant, je suis certain que tu as raison. Tu as l'esprit clair, tu es sage et mûre, au contraire de moi. Même si je ne comprends pas tes pensées, je ne suis pas assez idiot pour ne pas me rendre compte qu'entre toi, une guérisseuse réfléchie et moi, c'est toi qui as raison. *pause * Le clan de l'Acier a de la chance de t'avoir, tu sais. Tu es une bonne guérisseuse.» 

La chatte noire plissa les yeux en fil des paroles de Fourrure de Grêle. Elle n'avait pas du tout voulu faire cet effet-là. Ce n'était pas parce qu'elle était guérisseuse qu'elle avait raison ! Est-ce que tout le monde la voyait ainsi ? Quelqu'un qui ne se trompait jamais ? Voyons, l'erreur était féline, elle n'avait pas toujours raison. Elle était un peu gênée. Elle miaula :

« Je sais que je suis guérisseuse, et que écouter Menthe Poivrée parler me donne une autre vision de la forêt, mais ce n'est pas pour ça que je suis sage à chaque parole que j'émets ! Je te rappelle que, entre nous deux, c'est moi qui suis la plus jeune, pas forcement celle qui a le plus d'expérience. »

Même s'il agissait que de quelques lunes, elle souvenait de l'assurance qu'avait le chat lors de sa première assemblée. Myrtille des Bois – qui était nommé Nuage de Myrtille à cette époque - et elle assistaient à leur première assemblée et étaient complètement perdues ! Elle se souvenait que apprentie, elle était toujours timide et hésitante. Cela avait très peu changé aujourd'hui. Elle prenait rarement des initiatives toute seule, sauf quand cela concernait les plantes ou un truc comme ça.

Elle vit que son ami avait tiqué sur ses paroles concernant les plantes qu'elles devaient ramasser. Elle s'en voulait un peu d'avoir été autant directe mais … c'était comme ça. Au début, elle avait déjà eu du mal à parler avec les guérisseurs des autres clans. Elle était toujours là à se demander si ils allaient répéter tout ce que Menthe Poivrée et elle à leurs chefs. Oui, elle faisait confiance à Fourrure de Grêle, mais elle savait ô combien lui et son clan détestait le clan de l'Acier, et qu'ils n'hésiteront pas à faire tout pour le briser. Mais le clan de l'Acier était chez elle. C'était pas forcement le meilleur endroit du monde, mais c'était le seul endroit où elle avait sa place. Si jamais un clan prenait le dessus sur le sien, où irait-elle ? Elle ne voulait pas de guerre, et les guerres commençaient toujours par des erreurs stupides. Alors elle préférait ne pas en commettre, qui que se soit avec qui elle parlait.

« Comment faites-vous pour reconnaître toutes ces plantes ? Leurs noms, à quoi elles servent... Ce n'est pas trop dur ? En tout cas, personnellement, je n'y comprends rien. J'oublie tout à chaque fois. Chasser et se battre, ça, c'est bien plus simple. » 

Fleur des Tropiques sourit. Elle se souvenait d'avoir posé la même question inversée aux guerriers ou aux espions. Pour elle, le nom des plantes venaient instinctivement après des lunes d'apprentissage. Les premières lunes avaient été un peu dures pour Fleur des Tropiques qui s'était de nombreuses fois emmêlée les pinceaux dans les dizaines de noms de plantes. Puis peu à peu, cela avait été comme rangé dans des tiroirs qu'elle ouvrait lorsqu'elle en avait besoin. Si il lui avait fallu du temps, elle ne s'en était jamais lassée d'apprendre tout ça. Elle était heureuse de pouvoir faire aujourd'hui ce qu'elle voulait : aider le clan en soignant les chats blessés ou malades et communiquer avec le clan des Étoiles. Elle en profita pour se diriger vers le puits et cueillir la récolte pour laquelle elle était venue.

« Honnêtement, je me demande la même chose pour toi et tous les autres guerriers. Mais je pense que ce qui compte le plus, c'est la motivation. J'ai toujours rêvé de devenir une guérisseuse et les entraînements de base d'attaque ou de défense que m'avait enseigné Menthe Poivrée m'ont jamais vraiment intéressé. Et je mettrais beaucoup de temps à effectuer un mouvement en plein dans l'action. »

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